Créer un jeu de société : Comment créer le bouche à oreille autour de vos idées ?

Etre créateur de jeux de société est une activité passionnante qui demande tant une expertise technique qu'une vraie dose de communication. Il faut parfaire son bagage en regardant ce qui fonctionne le mieux et ce qui fonctionne moins bien. Pour réussir, il faut entraîner autour de soi, faire parler de son prototype, donner envie, réussir à agréger un début de communauté. Mais quelles sont les astuces qui permettent de percer le plus efficacement ?

Créer sa propre communauté...

C'est un élément essentiel. Pour cela, il faut réunir les gens qui vous ressemblent le plus. Tout comme dans le football, le rugby, le basket, le tennis, le golf et même le poker, où il y a des communautés différentes de passionnés, il y a dans les jeux de société différentes catégories de joueurs. Si vous ne créez que des petits jeux légers dits d'ambiance, vous ne créerez pas la même communauté de joueurs que si vous souhaitez réussir dans l'univers des gros jeux de plateau stratégiques.

Pour ma part, pour vous donner un exemple précis et parlant, j'ai mis plus de 15ans à comprendre que je créais des jeux pour les mères de famille.

C'est une période extrêmement longue vous me direz. Pourquoi n'ai-je pas réalisé plus tôt que je devais me focaliser sur cette cible ?

J'ai démarré ce présent blog il y a une quinzaine d'années, lors de vacances de Noël où je travaillais sur mes prototypes de jeux de société de l'époque. J'ai fini par aboutir l'une de mes idées des années après, dix pour être exact, en transformant la thématique de mon jeu initial, qui était un jeu de cartes sur le thème du catch, en un jeu pour 2 joueurs sur le thème du tennis. Les effets et le principe de base sont les mêmes, mais finalement on ne participe pas à la même histoire et j'ai pu terminer ce jeu en y mettant les ingrédients finaux nécessaires à un jeu abouti et tout cela grâce à ce qu'il se passe sur un vrai terrain de tennis. Comme quoi, il ne faut jamais lâcher l'affaire et cela peut mettre des années pour trouver la bonne voie. Pourquoi je parle de ce présent blog ? Tout simplement parce que grâce à lui j'ai pu accueillir plus de 1,5 millions de personnes uniques depuis sa création et que j'ai pu progressivement faire évoluer la communauté qui me suit. Je me suis rendu compte au fur et à mesure des années que je n'étais pas spécialement fait pour créer des jeux extrêmement complexes. Déjà parce que lorsque je joue, je privilégie systématiquement les jeux qui se jouent en 30/40min maximum et deuxièmement parce que j'ai 2 filles à la maison, entre 7 et 11ans, et qu'elles sont devenues ces dernières années mes toutes premières play testeuses. Par conséquent, l'écrémage se fait de manière naturelle : elle préfèrent les jeux de stratégie à rebondissements où elles ont des chances de me battre, même si elles savent parfaitement jouer à Dominion et savent encaisser les défaites avec passion en se disant qu'un jour elles me battront. Elles connaissent déjà plus de 500 jeux chacune et ont joué à quasiment toutes les catégories de jeux qui existent. Mais force est de constater qu'il est impossible de produire les mêmes jeux pour des familles que pour des joueurs aguerris. A un jeu de plateau complexe, un enfant de moins de 12 ans perdra quasiment systématiquement face à un adulte. Tout comme n'importe quel jeune joueur du jeu d'échecs subira probablement de lourdes défaites contre un joueur adulte qui maîtrisera bien mieux ses ouvertures et aura des vues tactiques plus long-termes que juste le coup suivant à jouer. C'est ainsi. Pour animer une tablée ludique familiale avec des enfants de 7 à 12 ans, il faut prévoir des mécaniques de jeu spécifiques. Tous les jeux de ne conviennent pas. Et personnellement, j'ai peut-être trop rêvé étant jeune d'essayer d'accrocher la catégorie des gros jeux, plutôt que de me concentrer sur ce que je sais vraiment faire : les jeux pour la famille. Par conséquent, j'aurais dû faire évoluer ma cible de lecteurs vers d'autres sujets. J'ai gardé mon blog dans le même esprit durant les 5 premières années, puis j'ai pivoté progressivement pour me concentrer uniquement sur le thème de la création de jeux de société, ce qui m'a amené une toute nouvelle population de lecteurs, bien plus fidèles et en ligne avec mes valeurs de Game Design. Ces joueurs ont principalement acheté mon ouvrage, dans la foulée de leur lecture ici. Enfin, toute dernière étape, j'ai lancé ma propre maison d'édition, Le Jeu Français, et j'ai édité mes créations ludiques familiales. Cela m'a permis d'agréger une toute nouvelle communauté, quasiment exclusivement féminine dans la trentaine et mères de famille. Ce fut une nouvelle étape pour moi. Et je sais à quel point il est important de réfléchir à chaque période de sa vie à la communauté que l'on souhaite créer. Cela a des répercussions sur ses créations personnelles.

Une communauté, ce sont des avis, des soutiens, des achats...

Lorsqu'on parle de bouche à oreilles, souvent on ne sait pas trop bien comment cela se passe concrètement. C'est bien beau de dire que tout le monde devrait parler de vos créations, mais dans les faits c'est très rarement le cas. Votre famille participe peut-être à vos playtests, mais elle ne parle quasiment jamais de vos activités en dehors de votre cercle ultra resserré. Ce ne sont pas des Ambassadeurs. Ils sont biaisés car ils vous connaissent. Idem pour les personnes qui achètent vos jeux. Ne croyez pas qu'elles passent toutes leurs journées à faire le marketing de vos créations. Elles ont découvert ce que vous produisiez. Elles ont passé un bon moment, puis elles ont rangé vos boîtes dans leur placard, à côté de leurs autres jeux. Elles passent ensuite à d'autres jeux à tester, car là réside leur vraie Passion : découvrir des nouveautés !

Par conséquent, le bouche à oreilles c'est encore autre chose pour qu'il prenne véritablement forme.

Pour vraiment faire la différence, il faut séduire au delà de la surface. Il faut vraiment convaincre jusqu'au bout, en sous-couche neuronales.

J'ai rédigé un ouvrage il y a quelques années, dont je parlais un peu plus haut, et j'ai eu la chance d'avoir très vite plus de 10.000 lecteurs. Il n'y a pas une semaine sans que je ne vende des exemplaires de ce bouquin, alors même que je ne consacre aucune énergie personnelle à en faire la promotion et que personne n'en fait la pub. Je reçois depuis son édition de très nombreux messages des lecteurs qui l'ont lu avec satisfaction et qui partagent la même vision du monde ludique que moi.

Pour créer une communauté fidèle, il faut rester focalisé sur ses idées et ne pas en démordre. C'est ce que j'ai fait ces dernières années. Cela rassemble une communauté qui partage le même état d'esprit...et qui sont de vrais soutiens ! Je sais que sur mon ouvrage intitulé "Tous les secrets de l'industrie du jeu de société", j'ai bénéficié d'un fort bouche à oreilles naturel. Ce livre évoluant sur une niche extrêmement spécifique, il n'est strictement connu de personne, en dehors de ce fameux "bouche à oreilles". Aucune dépense marketing, aucun effort produit, une vision restée fidèle à des valeurs personnelles très précises. Pour créer sa propre communauté, il faut être respectueux de ses propres pensées, de sa propre éthique. Il faut se respecter soi-même. On est tous différents. On pense tous d'une manière spécifique. Il ne sert à rien de vouloir plaire à tout le monde. Il ne sert à rien de plaire au plus grand nombre. Ce qui compte c'est de rassembler autour de ses idées une communauté spontanée.

Dans les jeux de société, c'est pareil.

Au fur et à mesure de vos créations, vous agrégerez une communauté fidèle. Certes, après un, deux voire trois jeux, vous ne ressentirez encore aucun effet d'entraînement. Mais avec les années et en multipliant les productions, vous allez finir par la trouver cette communauté. Cela doit se passer sans faire d'effort spécifique pour la créer. Une communauté se crée d'elle-même. Et elle met très longtemps avant de comprendre qu'elle est une communauté. Au départ, ce sont des individualités parfaitement isolées.

Le but dans la vie, c'est d'opérer votre mission à l'image de ce que vous avez envie réellement de produire. Qu'importe les freins, les éventuelles mauvaises langues, qu'importe les rares personnes réellement mal intentionnées (ce sont généralement des perdants qui cherchent à se raccrocher à n'importe quel wagon de critique facile, ce que l'on appelle communément des "haters". Les réseaux sociaux en sont pleins. C'est leur raison même d'exister que de les tenir en vie car sinon ces hubs techniques ne produiraient aucun volume et n'animeraient pas cette fameuse économie de l'attention, absolument vitale financièrement. D'ailleurs, si vous voulez vous marrer sur le sujet il y a un très bon film rigolo de Kev Adams. Certaines scènes sont complètement dingues et parfaitement humoristiques à se plier par terre. Il est désopilant!)

Votre objectif dans la vie c'est d'avancer et d'exécuter ce que votre cher sac de neurones quantiques (votre cerveau) vous suggère de créer. Cela sera atypique, cela sera non consensuel. Qu'importe ! Au fil des années, vous trouverez les personnes à qui cela parle aussi.

La chose cruciale dans la vie c'est la Passion et ne jamais se laisser arrêter par quelques âmes perdues.

Et le bouche à oreilles ça fait vendre beaucoup ?

Vous ne faites pas auteur de jeux de société pour gagner des millions d'euros. Autant monter une vraie entreprise dans un secteur tout autre pour avoir une telle perspective de gains. C'est comme dans l'écriture : les auteurs de livres ne vivent jamais de leurs créations. Même moi, je serais bien dans l'impossibilité de financer mon train de vie si je devais attendre de vendre des exemplaires de mes livres pour payer mes factures ! Je dois gagner quelques milliers d'euros par-ci par là en droits d'auteur cumulé par livre (j'en ai sorti 6) et c'est bien loin de ce que je gagne par ailleurs. C'est mon métier qui finance les jeux de société, pas l'inverse.

En revanche, le bouche à oreilles peut vous faire découvrir au fil des années qui passent des avis positifs laissés discrètement sur votre travail de ci, de là. C'est une surprise agréable et inattendue lorsque cela arrive. C'est comme une mini chasse au trésor involontaire. Cela égaie la journée et l'on ne s'y attend pas du tout. C'est chouette. Moi quand je lis un email, un message, un post, un commentaire, laissé sans bruit quelque part et qui dit un truc simple comme "j'ai kiffé", "j'ai passé un excellent moment"...etc. Cela me suffit. Je ne cherche aucune reconnaissance, aucune auréole, aucune célébrité. J'ai beaucoup de chance de m'être réalisé patrimonialement et je suis aujourd'hui bien tranquille, à profiter de la vie sagement et je n'attends aucunement que des gens s'expriment sur mes créations. Lorsque cela arrive, c'est plaisant et satisfaisant. Et puis voilà. Il faut rester très simple et juste profiter de sa famille en étant en bonne santé et sans souci particulier. Rester dans l'ombre cela permet de faire parfois de très grandes choses sans à avoir à remuer ciel et terre et perdre de son énergie.

Voilà mes recommandations personnelles du jour sur ce thème assez clé de la communauté dans l'univers de la création de jeux de société. Sobriété et convictions personnelles sont de grandes forces. Il faut être un sous-marin.