Créer un jeu de société : Partir d'un titre et inventer une mécanique...

Créer un jeu de société exige une méthodologie structurée. Plusieurs angles d'attaque peuvent exister pour y parvenir ! Dans l'un de mes précédents articles, je partais d'une thématique et je vous démontrais comment parvenir à une mécanique de jeu fonctionnelle réussie menant à un futur jeu édité (lien ici pour les curieux). Dans ce présent article, on va partir d'un autre point de départ : le titre !

Place à l'action...

Des titres, il en existe des millions ! Toutes les possibilités sont envisageables. En revanche, tous ces choix potentiels ne sont pas forcément de bons titres pour un jeu de société. Voyons voir un peu quels sont les ingrédients clés qui semblent indispensables pour éveiller l'intérêt des futurs joueurs et acheteurs.

L'une des premières choses indispensables, à mon avis, est de faire rire le public cible. Que cela passe par un bon jeu de mots ou bien une phrase alambiquées où viennent s'entrechoquer des notions percutantes, un bon titre de jeu de société doit pouvoir permettre de faire son choix dans l'instantanéité de sa découverte et de sa lecture. C'est brutal et sans pitié, mais c'est ainsi : les consommateurs ne laissent que quelques secondes à un titre sur une boîte pour convaincre ou sinon ils passent leur chemin.

L'une de mes meilleures ventes les plus récentes, personnellement, c'est le jeu de cartes humoristique qui s'appelle "Tu pues du Q".

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Pas besoin de faire un dessin pour comprendre que l'on va vite sauter les 2 pieds en avant dans le plus grand concours de prouts, odorant ou olfactif, que la TV , n'ait jamais inventé. Le titre est direct, marrant. Il dit bien ce qu'il veut dire. Pas de détour.

Emprunter son idée de titre à des expressions usitées par le grand public...

...est une bonne source créative pour trouver un bon titre. Cela permet à l'acheteur de trouver une sorte de familiarité avec ce jeu qu'il ne connaissait pas quelques secondes auparavant. Il connaît l'expression, son cerveau est guidé instinctivement et est intéressé. Notre sac de neurones quantiques est un as pour éliminer les choses inutiles qu'il ne trouve pas intéressantes (pour économiser de l'énergie générale à notre corps) et en revanche il se passionne dès qu'il repère des choses qu'il semble comprendre, qui lui parlent spontanément. Une expression populaire est par conséquent une bonne voie pour trouver un bon titre de jeu de société. Et avec l'objectif de faire rire !

La seconde chose qui peut sembler indispensable, c'est de réussir à faire travailler le cerveau de son public cible. L'humour est certes un bon premier axe, très spontané, mais il peut être possible de faire des associations de mots qui génèrent spontanément l'intérêt des joueurs en accolant des mots qui forment quelque chose de smart. Pour l'exemple de nouveau jeu dont je vous parlais ci-avant, j'ai opté volontairement pour "Anes Olympiques" pour former un titre qui corresponde au thème du jeu, une course d'ânes, avec le thème des JO 2024 : les anneaux olympiques. Anes Olympiques, Anneaux Olympiques...on voit très bien ici le travail. Cela suscite une lecture en seconde couche de la part du neocortex. Il raffole de cela !

Nous disposons de 3 cerceaux...

...le reptilien, le limbique et le neocortex. Un bon titre doit stimuler ces 3 cerveaux en même temps !

Le reptilien c'est celui de la survie, du primaire. Il adore tout ce qui est très direct. Lorsqu'il voit "Q" dans un titre, il assimile cela à cette catégorie.

Le limbique c'est l'émotionnel. Il aime tout ce qui se rapporte à nos 5 sens, à nos sensations. Lorsqu'il voit "Tu pues", il y voit des odeurs. Il aime.

Le neocortex est plus raffiné, plus calculateur. Il raffole de découvrir une seconde lecture du titre Anes Olympiques. Sur le titre "Tu pues du Q", c'est le fait que le mot "cul" soit remplacé par la lecture "Q" qui stimule son intérêt. Vous voyez le principe.

Pour trouver un bon titre de jeu de société, il faut pouvoir faire vibrer à l'unisson ces 3 cerveaux fonctionnant de manière bien différente.

Pour rester dans la thématique de "Tu pues du Q", si vous inventez un nouveau jeu et que vous l'appelez "Tu pues de la chatte", le neocortex va trouver cela vulgaire. En revanche, si vous écrivez "Tu pues de la..." et que vous dessinez une véritable chatte, l'animal, à la place du mot, là le neocortex va trouver l'astuce digne d'intérêt et cela va lui permettre de pouvoir s'arrêter avec attention. Sinon il zappe, c'est son rôle.

Trouver un bon titre de jeu de société est donc une vraie mission en soi et une étape absolument critique dans la réussite d'un projet.

Souvent cette recherche de titre s'opère à la fin de la conception du jeu.

Toutefois, il est parfois possible de partir à rebours, c'est à dire d'un titre bien précis et de travailler un concept de mécanique autour de lui. C'est une méthodologie d'idéation qui peut fonctionner.

Voici le défi que je me lance aujourd'hui dans cet article et qui nous tiendra peut-être en haleine durant plusieurs semaines ici sur ce blog (voire plusieurs mois, jusqu'à trouver une mécanique qui soit fonctionnelle, réussie et adaptée à notre choix de titre).

Alors, de quel titre allons-nous partir ?

Voilà le défi de cet article ! Aucun jeu de société ne porte ce nom officiellement alors que c'est une expression qui se prête bien à l'univers ludique. C'est marrant de voir que personne n'ait rien produit sur le sujet avant. Il faut bien reconnaître qu'il y a eu durant ces décennies écoulées une guerre sans nom autour de la propriété intellectuelle, le dépôt de marques...etc. Les titres de jeux de société étaient volontairement choisis monobloc en priorité afin d'en faire une véritable marque de fabrique, une franchise. Abalone, Dixit, ....tous ces jeux ont un titre en un seul mot qui est devenu une vraie marque, déposée par leurs éditeurs. C'est une des manières de protéger leurs créations il faut bien reconnaître, car une mécanique de jeu n'est factuellement par déposable.

Voilà donc le défi de cet article : créer un jeu de société durant les prochains mois qui porte ce nom symbolique et évocateur.

Tout comme le défi de la création du jeu "Anes Olympiques", là il va falloir mener un brainstorming actif pour voir quel genre de mécanique on va pouvoir utiliser pour créer un jeu fonctionnel réussi qui se prête bien à cet univers : le bonheur, la chance...

Le champ des possibles est véritablement immense ! On peut imaginer un jeu de pur hasard, avec plus ou moins de prise de risque à la façon d'un "stop ou encore". On peut aussi partir sur une mécanique purement émotionnelle, un jeu cérébral qui fasse appel aux émotions des joueurs. Le mot bonheur peut amener à un contre-univers dominé par la peur, la souffrance, les enfers... Cela pourrait faire penser aux 7 pêchés capitaux, qui sait.

On pourrait tout aussi bien tester une mécanique de gestion de ressources : pourquoi ne pas envisager un magasin qu'il faille développer dans la bonne direction, pas après pas, en gérant un certain nombre de paramètres pour ne pas s'étendre dans la souffrance d'un ... burn out.

On voit très bien ici le travail du créateur de jeu de société : son véritable métier est de tenir compte de contraintes et d'avancer en testant un nombre important de choses et d'hypothèses afin de trouver une voie, une solution possible, qui anime d'autres cerveaux humains. Et le tout dans la bonne humeur si possible.

Le titre est noté sur un papier, martelé dans l'ensemble de mes 3 cerveaux et il va falloir désormais laisser le temps faire son oeuvre. La recherche de mécaniques se fait toujours par sauts discontinus. Il faut profiter des nuits qui passent pour laisser reposer le cahier des charges et en attendre la recette magique miraculeuse qui finira par émerger un jour.

J'ai personnellement un carnet rempli de suggestions de titres...

...que j'alimente en permanence. Je sais que mon sac de neurones quantiques travaille dans l'ombre et finira par trouver un jour une idée.

Je vous donne un exemple très concret : durant un été l'une de mes filles prononce la phrase suivante à sa grand-mère, (ma mère) : "Mamy as-tu déjà été toute neuve ?" Ma mère ne comprend pas tout de suite et lui demande ce que cela veut dire. Il faut dire que ma fille n'avait que 5ans à l'époque et que ce n'était pas forcément très évident de comprendre sa requête. Pourtant tout était clair dans sa tête : "Mamy tu as des rides. Est-ce que tu as déjà été toute neuve ? a-t-elle réitéré de manière assumée. Là ma mère a évidemment tilté et compris sa requête. J'ai immédiatement noté cette phrase sur mon smartphone dans mon onglets à idées et cela a donné quelques mois plus tard un jeu cadeau absolument ludique pour la fête des grands mères : un jeu où l'on démarre avec une mémère de 100 ans et où, un peu comme le célèbre film avec Brad Pitt qui s'appelle "Benjamin Button" (où il démarre sa vie très vieux et finit le film en étant redevenu enfant), le but du jeu va être d'être la première mémère à revenir à l'âge de ses 20 ans ! Le pitch est clair, la mécanique est limpide, le titre est rigolo. Tout cela entrait bien en résonance avec les exigences des 3 cerveaux reptilien/limbique/neocortex !

Le jeu est disponible ici à 22,90€ en étui, fabriqué 100% en france, à offrir évidemment à sa grand-mère pour passer un bon moment en tête à tête avec elle : cliquez ici !

Je vous donne rendez-vous ici dans les semaines à venir...

...pour suivre l'Aventure de la création de ce futur nouveau jeu "Au petit bonheur la chance". Je vous décrirai toutes les étapes par lesquelles je vais passer et je ne lâcherai rien jusqu'à avoir trouvé une excellente mécanique de jeu ! Pour le moment, place au brainstorming !