Découvrez tous les secrets de l'industrie des jeux de société en lisant ce livre !
1- Erwan Hascoet, vous êtes le fondateur de Hazgaard Editions, une maison d'éditions de jeux de société que vous avez créée en décembre 2003. Pourriez-vous nous raconter votre parcours personnel et nous expliquer comment vous est venu l'idée de lancer votre propre société d'édition ?
Erwan Hascoet : En fait je ne suis qu'un des fondateurs. A la base nous étions trois jeunes passionnés de bandes dessinées et de jeux de rôle et de figurines. Je travaillais en fait chez Rackham quand deux de mes copains m'ont contacté car ils voulaient monter une maison d'éditions de bandes dessinées. Leur projet était de commencer par créer des produits dérivés de la BD pour gagner un peu de sous et pouvoir ensuite éditer des BD. Ils m'ont donc contacté pour que je leur donne un coup de main pour éditer les premières figurines. Puis de fil en aiguille, on s'est retrouvé à monter la boîte à trois et j'en suis devenu le gérant. Après avoir fait un peu de paraBd, on s'est rendu compte qu'on n'arriverait pas, pour diverses raisons, à sortir une BD ainsi. Donc on a continué à faire de la paraBD. En 2006, Frédérick Condette, que j'avais rencontré chez Rackham, après avoir travaillé chez Tilsit et Asmodee, m'a fait part de son désir d'éditer des jeux et de monter une structure pour cela. Je lui ai donc proposé de nous rejoindre. En 2007, nous avons sorti notre premier jeu « Eollis ». Aujourd'hui, le jeu est devenu notre principale activité, presque par hasard ! Les deux associés initiaux ont depuis quitté Hazgaard car ils ne se reconnaissaient plus dans notre activité et ont été remplacés par deux nouveaux, plus impliqués dans le monde ludique.
2- Hazgaard Editions est une maison d'édition de jeux de société dont la particularité est qu'ils possèdent tous un thème très présent, comme c'est le cas notamment dans Notra City. Pourriez-vous nous expliquer comment vous faites votre sélection de jeux ? Quels sont vos critères de jugement ? Quelle cible prioritaire visez-vous ?
Erwan hascoet : Quand on édite un jeu, c'est souvent sur un coup de coeur. Je pense que c'est le cas de beaucoup d'éditeurs. On reçoit régulièrement des propositions de jeux, des règles, des prototypes, de plus en plus même... A partir de ce moment là, le processus est assez classique : on lit les règles ou on se les fait expliquer par l'auteur (ça c'est quand on est faignant) puis on joue. On se ferme pas sur un type de jeu ou un public. Si on accroche et qu'on sent qu'il y a une possibilité d'en faire un bon jeu, on se lance. Lorsqu'on est moins sûr on organise des sessions de tests pour avoir un avis plus large que les deux nôtres...
On a quand même quelques critères très subjectifs : on n'aime pas trop les jeux de gestions lourds, les règles trop compliquées, on aime bien les thèmes marqués et forts et on aime moins les thèmes comme la finance ou les centrales électriques.
3- Nostra City est un jeu dont le thème est la mafia, et qu'il exploite d'ailleurs à merveille puisqu'il mêle corruption, traffics et rackets. Sa mécanique est semi-coopérative également. Cela fait de lui un jeu un peu à part. Pourriez-vous nous raconter toute l'aventure de l'édition de ce jeu, et notamment quelques anecdotes rigolotes ?
Erwan hascoet : Les deux auteurs Sébastien Gigaudaut et David Rakoto sont deux amis d'un de nos premiers illustrateurs Christophe Madura (Eollis, Draco Mundis, Pocket Rockets). Notre première rencontre avec Séb s'est faite chez Christophe lors d'une soirée jeux pendant laquelle Séb m'a fait découvrir « Coloretto ». Je n'ai pas arrêté de me moquer de lui à propos du thème inexistant du jeu qui mêle un caméléon et une sorte de salle avec un bureau et une lampe... (ça ne m'a pas empêché d'aimer le jeu).
Un peu plus tard Frédéric a vu les auteurs à nouveau et nous voulions faire un jeu sur les Superhéros. Connaissant leur superbe travail sur « CIA vs KBG : Guerre Froide », Frédérick leur a proposé un travail de commande. Ils ont accepté. Puis, à Essen 2008, alors qu'ils devaient nous présenter la première mouture de ce jeu, ils nous ont appris qu'ils travaillaient sur deux projets personnels de jeu : un sur la mafia et un autre sur la Lucha Libre et qu'ils préféraient finir d'abord ceux-là. Aucun des deux jeux n'étaient finis. Ils nous les ont présenté tous les deux et nous avons été tellement séduits par ce qu'ils nous proposaient qu'on a accepté de se lancer sur le jeu de mafia en mettant en « stand-by » notre projet Superhéros (au grand désespoir de Fred...). Sébastien et David sont deux auteurs qui s'attachent beaucoup au thème tout comme nous. Pour eux c'était une évidence que le thème de mafia devait être abordé différement de ce qu'on voit habituellement. Au départ, nous (Hazgaard) avons tout de même pensé un peu à en faire un jeu de mafia année 20/30. Mais Séb et David nous ont finalement convaincu du contraire et on est parti à fond dans les années 90.
Le jeu n'était pas fini et nous avons donc commencé un énorme travail de réglages pour aboutir à ce qu'il est aujourd'hui. On passé des journées entières dans notre salle de jeu avec Séb et David, à jouer et rejouer en mangeant de la pizza. David qui est infographiste de profession, avait fait une belle maquette très aboutie avec tous les personnages de la série Soprano. Donc il était facile pour nous d'être dès le début des tests dans l'ambiance générale du jeu tel qu'il est désormais.
Une fois le travail sur les règles fini, il a fallu trouver un illustrateur. Nicolas Fructus s'est imposé à Fredd comme une évidence. Personnellement, je ne connaissais de lui que son travail sur film Arthur et les Minimoys et j'étais donc plus mitigé. Mais lorsque les premiers croquis de Nico, à qui nous avions laissé entièrement carte blanche, sont arrivés, l'équipe entière (autant côté auteurs qu'éditeur) était enthousiaste. Nicolas a tout de suite saisi l'esprit de ce qu'on lui demandait : il a su créer un univers sombre qui reprend tous les aspects marquants de la mafia italo-américaine tout en incorporant une bonne dose d'humour acide. Certains nous ont reproché d'avoir choisi ce parti-pris graphique, mais nous sommes persuadé (et les ventes le prouvent...) que le jeu n'aurait pas rencontré un tel succès avec un thème et un graphisme plus aseptisé.
4- Vous étiez présents au dernier salon du jeux de Cannes. Quel bilan en tirez-vous ? Quelles sont les nouveautés qui vous ont marquées ? Quelles nouvelles tendances voyez-vous se dessiner ?
Erwan Hascoet : C'est la deuxième année que nous sommes présents à Cannes. Comme pour beaucoup d'exposants, nous sommes convaincus que ce festival est incontournable en France. Il permet tout à la fois de rencontrer son public (comme tous les festivals) sur une période plus longue qu'un week-end et d'essayer de toucher un public plus large mais aussi de rencontrer un maximum d'auteurs et d'illustrateurs, de tester une foule de prototypes, et de nouer de sérieux contacts professionnels, le tout avec un petit air de « vacances » que ne possèdent pas les autres salons.
Pour ce qui est des nouveautés, malheureusement, Cannes est très dense en activité et je n'ai pas eu l'occasion de tester les nouveautés...
5- Quelles seront vos prochaines parutions pour l'année 2010 ? Pourriez-vous nous expliquer sur quelles mécaniques se baseront ces nouveaux jeux ?
Erwan hascoet : Pour 2010, nous avons un programme chargé mais chaque jeu cible un public différent. Le premier à sortir (en mai) sera Hocus Pocus, un jeu dans l'esprit des jeux de cartes à collectionner (mais sans collection...) pour toute la famille. Hocus Pocus est une joute endiablée pour le contrôle des gemmes magiques. Celui qui possède le plus de gemmes en fin de partie devient Maître-sorcier et gagne la partie. C'est un jeu dans lequel il faut faire des combos entre les différents pouvoirs des cartes. Hocus Pocus peut se jouer à partir de 8 ans, sera proposé dans une boîte au format « Citadelle » aux alentours de 20€. Une partie dure environ 30 minutes.
Dans le même format suivra en juin Intrigo. Intrigo est notre version d'un jeu anciennement nommé « Saint-Benoît » (par Catherine Dumas, Pascal Pelemans et Charles Chevallier) et qui a été primé en 2009 au concours de la ludothèque de Boulogne-Billancourt. Ce jeu nous a tout de suite séduit car, les règles sont d'une simplicité incroyable et on peut donc y jouer très simplement sans se prendre la tête, mais les joueurs avertis pourront développer une stratégie très profonde qui se révèlera à eux de partie en partie. Niveau mécanique, Intrigo a des traits de programmation, de placement et de majorité.
Plus tard sortiront :
-en septembre, Takenoko (Antoine Bauza) en coédition avec Matagot, un jeu de gestion accessible à tous dans lequel chaque joueur incarne une famille de paysan dans un Japon Impérial. Les joueurs vont devoir développer la bambouseraie de l'Empereur mais vont devoir composer avec un grand Panda, cadeau diplomatique de l'Empereur de Chine, qu'il n'ont évidemment pas le droit de chasser...
-en octobre, La Cité des Voleurs (Laurent Pouchain et Pascal Bernard) en coédition avec Dust Games. La Cité des Voleurs est un jeu de plateau, dans un univers médiéval-fantastique, dans lequel chaque joueur dirige une bande de voleurs et autres coupe-jarrets. Les voleurs vont devoir pénétrer dans un quartier de la ville, récupérer un maximum d'objets en ouvrant des coffres, remplir des missions et s'enfuir avant que la Milice ne ferme définitivement le quartier. La Cité des Voleurs sera présenté dans une grosse boîte du même format que celle de The Adventurers et contiendra beaucoup de matériel : un grand plateau représentant le quartier de la ville, 20 personnages en plastique tous différents, des tableaux d'aventures, des cartes, etc. La Cité des Voleurs est un jeu d'aventures pour toute la famille.
Enfin, nous allons tacher de développer notre gamme Pocket Rockets (que nous rééditons d'ailleurs avec des nouveaux dessins de Marie Cardouat (Dixit)) avec plusieurs jeux en tout petit format.
Jeuxyannick remercie Erwan Hascoet pour sa participation à ce blog.