Découvrez tous les secrets de l'industrie des jeux de société en lisant ce livre !
1- Christian Lemay, vous êtes le respondable des éditions "Le scorpion Masqué".
Pourriez-vous nous présenter votre parcours personnel ? Comment est née l'aventure
de votre maison d'édition ? (Et pourquoi ce nom ? :o))
Christian Lemay : Voilà une question bien indiscrète… ! J’ai 30 ans, un baccalauréat en littérature et une maîtrise en création – poésie. J’ai enseigné la littérature dans ce que nous nommons les CEGEP entre 2003 et 2008. Mes étudiants avaient entre 17 et 20 ans. J’ai toujours été un joueur et j’ai touché à un peu tout : classiques (Monopoly et les cie), abstraits (échecs et dames), jeux de cartes à collectionner puis jeux de rôles. J’ai vécu 2 hivers au chômage (2004 et 2005), ce qui m’a permis de développer ma passion pour les jeux modernes. Je désirais « faire quelque chose » dans le monde du jeu et je me suis rapidement aperçu que l’édition était la voie idéale. C’est très créatif et ça permet de travailler à son propre rythme, dans le confort de son foyer, sans un investissement démesuré et sans de frais fixes. Comme j’étais prof, je profitais de longues vacances estivales – 3 mois ! – et donc à l’été 2006 j’ai décidé de mettre sur pied ma propre maison d’édition. Comme je n’avais aucune formation dans les affaires, je savais que je ferais des erreurs ; j’en fais encore aujourd’hui ! Pour me faire la main, j’ai décidé de créer un petit jeu qui serait simple, tant au niveau des règles, pour éviter les bogues, qu’au niveau du matériel : j’aimais mieux faire mes erreurs sur un jeu à 15$ que sur un jeu à 60$. J’ai donc conçu « J’te gage que… », mieux connu sous le nom de « Bluff Party » en Europe, que j’ai lancé le 13 décembre 2006 et qui s’est avéré un succès phénoménal depuis. Dans l’optique que Le Scorpion masqué ne se voulait pas un éditeur trop incestueux, j’ai rapidement décidé que le deuxième jeu serait un jeu d’un autre auteur. Ont donc suivi « Grimpe ! » (printemps 2008), « Où étiez-vous ? » – mieux connu sous « À l’Heure du crime » en Europe (automne 2008), « Miss Poutine » et « J’te gage que… 2 » (printemps 2009). Quatre jeux originaux, quatre auteurs québécois différents. Pour le nom Scorpion masqué, disons que le processus a été très long. J’hésitais entre plusieurs avenues jusqu’à ce que je me rende compte qu’un animal comme emblème était assez « cool », puisque ça donnait une personnalité à la maison d’édition. Il fallait maintenant trouver l’animal approprié, assez branché. Le scorpion s’est rapidement imposé. Enfin, il fallait ajouter quelque chose, un adjectif, car seulement Scorpion, « c’est un peu court, jeune homme » ! J’aime beaucoup les super héros et j’ai rapidement vu le scorpion avec une cape ou un titre du genre « vengeur »… Et « masqué » a surgi dans ma tête pour ne plus jamais en sortir !
2- Vous êtes un éditeur Québécois de jeux de société. Pourriez-vous nous présenter le marché du jeu de société au outre-atlantique ? Qui sont les gros acteurs du marché ? Quelles sont les interactions avec les éditeurs américains ? Quelles sont les relations avec les éditeurs français ? Quels sont les salons du jeu qu'il ne faut pas manquer outre-atlantique ?
Christian Lemay : Il serait ambitieux d’arriver à décrire le marché de l’Amérique du nord, mais disons qu’au Québec, nous sommes assez bien servis au niveau choix. On peut facilement trouver les dernières sorties américaines et européennes. Filosofia importe toute la gamme que distribue Asmodée en Europe et Distribution Le Valet (qui est également mon distributeur ici) s’occupe de Edge et des nombreuses autres lignes. Enfin, Îlot 307 commercialise les gammes Hurrican et Gameswork. Au niveau éditorial, outre le Scorpion, on retrouve au Québec Filosofia éditions. Je crois que vous connaissez bien leur travail de traduction et de réédition. Gladius constitue ici un joueur majeur qui lance des jeux à licences connaissant un succès retentissant : Dora l’exploratrice, Shrek, Cars (Les Bagnoles) sont quelques-unes de leurs lignes. C’est comme un Hasbro québécois. Kikigagne traduit des jeux de cartes : Un mouton à la mer, 6 qui prend, Bonhanza, Black Stories, Saboteur, Les 7 sceaux… Les Jouets Boom se spécialisent dans le jeu familial.
Évidemment, il y en a plusieurs autres, je ne peux en faire une liste exhaustive ! Il existe plusieurs rencontres annuelles. La plupart s’adressent à des joueurs n’en étant pas à leurs premières armes ; c’est pourquoi elles dépassent rarement les 200 participants. Notons Granby en septembre, Outaouais en novembre, Chertsey en avril et Québec au début juin. La Fiesta ludik de Filo attire davantage de monde (faudrait leur demander les chiffres) : elle est médiatisée, gratuite et davantage « grand public ». Des animateurs sont sur place pour expliquer les jeux. L’été dernier, j’ai eu la chance d’organiser le volet « jeux de société » de Juste pour jouer – une importante section du Festival Juste pour rire, qui a maintenant une déclinaison française à Nantes, si je ne m’abuse. Environ 1 500 000 festivaliers participent aux différentes activités étalées sur 11 jours. Avec une équipe du tonnerre, nous avons animé sur une cinquantaine de mètres dans la rue, en plein centre-ville de Montréal. Toute une expérience ! Sinon, il y a d’importantes conventions et compétitions aux Etats-Unis, mais je ne les connais pas très bien…
3- Comment organisez-vous la distribution de vos jeux en Europe ? Vous avez un partenariat avec Asmodée pour la France. Qu'en est-il pour la Belgique ou l'Allemagne ?
Christian Lemay : Je travaille avec Asmodée (enfin, Hodin racheté par Asmodée) seulement pour la Belgique. Ils tiennent tous nos jeux. En France, Bluff Party est distribué par Asmodée parce que c’est un jeu de la gamme Cocktail Games. Mais les autres jeux sont distribués par Ferti, avec qui nous coéditons une version spéciale de « Où étiez-vous ? » rebaptisée « À l’Heure du crime ». En Allemagne, Heidelberger Spielverlag s’occupe de vendre nos jeux.
4- Vous avez récemment édité un créateur français en plein boom, Antoine Bauza, avec son concept de jeu "La chasse aux monstres". Pourriez-vous nous expliquer comment vous avez fait sa connaissance ? Et de manière générale, comment opérez-vous pour faire votre sélection de nouveaux concepts de jeu ?
Christian Lemay : À l’été 2007, j’ai travaillé sur un prototype d’un auteur français qui a fait appel à Antoine pour emmener sa création plus loin. Malheureusement, le projet a avorté pour nous, mais j’avais ainsi échangé plusieurs courriels avec Antoine, ce qui m’avait amené à visiter son site. L’idée derrière ce qui s’appelait alors « Au placard les monstres ! » m’avait séduit. Lors de ma première visite à Essen, en 2008, je suis allé à sa rencontre, histoire de créer un véritable contact après tous ces courriels. Je lui ai également demandé la règle de ce jeu. Nous avons rapidement signé un contrat à mon retour au Québec.
Pour l’instant (il ne faut jamais dire « jamais »), tous nos jeux obéissent à 3 principes :
ils s’expliquent en 60 secondes ou moins ;
ils font preuve d’originalité, se distinguent de ce que l’on voit habituellement ;
ils procurent une émotion forte !
Mon passé de littéraire m’a rendu très sensible à la création et à l’importance de l’originalité D’ailleurs, le Scorpion masqué se présente un peu comme une avant-garde : nous avons un manifeste sur notre site ouèb, tout comme les surréalistes et les autres groupes d’artistes de la fin du XIXe et du début du XXe siècle.
5- Quelles seront vos prochaines étapes importantes pour 2010, notamment vos prochaines parutions ? Serez-vous présent au salon d'Essen ?
Christian Lemay : Je serai présent au salon d’Essen, mais je ne sais pas sous quelle « forme » encore. L’an dernier, j’animais et j’expliquais les jeux Scorpion masqué au kiosque de Ferti et je courrais les rendez-vous avec les partenaires étrangers. Comme je demeure un joueur, je me suis réservé le dimanche pour jouer un peu. Oui, il faut savoir que Le Scorpion masqué n’a qu’un seul employé : moi-même ! Nous avons deux publications prévues pour l’automne prochain. Elles sont l’œuvre de deux auteurs français. Un est très connu, l’autre en est à sa première fois ! Ces jeux suivent nos trois principes habituels.
Jeuxyannick remercie Christian Lemay pour sa participation à ce blog.