J'ai le grand plaisir de vous offrir sur mon blog l'interview de l'un de mes auteurs de jeux favoris. Il s'agit du génialissime Bruno Faidutti. Vous retrouverez ses deux derniers jeux "Pony Express" et "Lettres de Marque" dans les meilleures boutiques ou directement sur son propre site :
http://www.faidutti.com Bruno Faidutti sait gentiment prêté au jeu des questions-réponses. Voici mes questions, voici ses réponses !
1- Monsieur Faidutti, vous êtes une figure emblématique de l'univers des jeux de société. A quel âge avez-vous eu l'idée de votre toute première maquette de jeu ? Imaginiez-vous en faire votre métier ? Bruno Faidutti : Je pense que, comme tous les enfants, j'ai dû bricoler les règles du Risk et du Monopoly, mais je ne me souviens pas bien. Le premier projet dont je me souvienne, et qui a été publié, est Baston. C'était un peu une commande, d'un éditeur de jeux de rôles que Pierre Cléquin, l'autre auteur, connaissait un peu et qui voulait se lancer dans le jeu de plateau à l'américaine. Ensuite, pendant quelques années, j'ai fait des jeux de société en encart dans Jeux et Stratégie, tout en faisant des scénarios de jeux de rôles pour moi et mes amis. Quant à en faire mon métier, je me suis posé parfois la question mais n'ai jamais franchi le Rubicon. Je reste d'abord prof, dans un lycée, même si c'est à temps partiel.
2- Pourriez-vous nous raconter quelques anecdotes rigolotes sur votre toute première édition de jeu ? Bruno Faidutti : J'avoue que c'est loin et ne m'en souviens pas bien. Si, sur un salon, Pierre et moi avons essayé de nous faire passer pour les auteurs de Supergang pendant que les Gérard se présentaient comme les auteurs de Baston. C'est aussi l'époque où j'ai testé le prototype de Quarto, que j'ai trouvé génial et dont j'ai essayé de convaincre quelques éditeurs de le publier. Il ne sortirait que plusieurs années plus tard.
3- Il y a eu une vague importante ces dernières années de nouveaux jeux de cartes dont beaucoup étaient basés sur un principe d'enchères. Pensez-vous que l'ère des jeux d'enchères tire à sa fin ? Bruno Faidutti : C'est sans doute curieux, mais nous n'avons pas du tout la même perception, sans doute parce qu'il y a tellement de jeux publiés qu'on ne peut plus faire attention à tout! Pour moi, la grande mode des enchères, l'époque des Kuhhandel, Modern Art, Medici, Don, c'était il y a une dizaine d'années. J'ai plutôt le sentiment que les jeux d'enchères sont aujourd'hui négligés, voire méprisés, ce que je regrette parce que je les aime beaucoup. D'ailleurs, je ne vois aucun jeu d'enchères notable sorti ces derniers temps.
Aux Pierres du Dragon est sans doute l'une de mes créations préférées, mêlant les enchères traditionnelles et un bluff inspiré de Citadelles. Il est sorti trop tard, ne s'est pas bien vendu et a été oublié depuis. Si les enchères reviennent et les éditeurs s'y intéressent de nouveau, j'essaierai de faire publier une version très fortement enrichie et retravaillée..
4- Que pensez-vous de la tendance actuelle des jeux "coopératifs", tel que Pandémie ? Y voyez-vous une nouvelle tendance de fond ? Bruno Faidutti : Je pense que cela va rester comme un genre un peu à part, avec des sorties régulières. Il n'empêche que je trouve les jeux de coopération, même les meilleurs un peu trop répétitfs et stratégiques, et finalement moins drôles à jouer que les jeux où l'on frappe sur son voisin. Et puis, il faudra voir si le jeu de coopération parvient à se renouveler avec des nouveaux thèmes et de nouveaux mécanismes. Ce n'est pas certain.
5- Que penseriez-vous d'un concept de tablette graphique pour remplacer les plateaux de jeu et des tablettes tactiles individuelles pour chacun des joueurs autour de la table ? Un mini-ordinateur gérerait les pions virtuels du plateau central et les joueurs pourraient éventuellement s'opposer à lui, grâce à des alliances coopératives..Serait-ce la fin des jeux de société classiques ? Bruno Faidutti : Je n'y crois qu'à moitié. Je me vois mal renverser de la bière sur un ipad. Ce n'est pas seulement une boutade. La technologie, les ordinateurs, créent un contexte, une ambiance un peu différente, et je crois que le plaisir ne sera jamais le même qu'avec une boite de jeu et des pions. En même temps, je disais la même chose il y a quelques années pour les livres, et je viens de télécharger tout Thomas Hardy sur mon iphone pour le lire dans le train… Donc, je n'y crois pas, mais je pense que je me trompe !
Merci pour ces réponses, Bruno Faidutti. Encore un grand merci pour votre participation à mon blog !