1- Roberto Fraga, vous êtes un auteur de jeux de société dont la créativité est extraordinaire avec plusieurs dizaines de créations à votre compteur. Quel est votre parcours personnel jusqu'à la création ludique ?
Roberto Fraga : Je suis plutôt dans la catégorie "Diesel", mon "préchauffage" a duré 26 ans (de 14 à 40 ans).
Pendant ces années je créais des jeux pour me faire plaisir sans faire la démarche de contacter les éditeurs.
A partir de 2000, avec l'édition des Dragons du Mékong (Qui reste mon jeu préféré de moi) tout a commençé.
Je suis maintenant devenu un drogué de la création (Un comble pour un Douanier!).
2- Comment trouvez-vous toutes vos idées ?
Roberto Fraga : Il y a une phrase d'Alex Randolph qui me convient bien "Les idées sont partout, il suffit de savoir les intercepter!".
En fait je fonctionne de plusieurs façons :
- A partir d'un objet bizarroïde qu'on ne trouve pas habituellement dans un jeu. J'adore détourner les objets
de leur utilisation première (Exemple: Les oeufs dans la Danse des Oeufs et les langues de belle-mère de Trompéléphant).
- A partir d'un thème fort et souvent d'une bande son (Exemple: Infraga Jones qui est devenu Squad 7 et Le Fugitif qui s'appelle maintenant Wo War's chez Ravensburger).
- A partir d'une rencontre, d'une situation particulière ou d'une interview comme celle-ci (Exemple: Contrario).
Je me rappelle d'ailleurs très bien d'une hôtesse de l'air donnant les consignes de sécurité et qui m'avait bien
inspiré (Hummm... l'hôtesse et les consignes!).
- Ensuite, de nuit comme de jour, sur terre, sur mer ou dans les airs, je note des petites idées de mécanismes, thèmes et je les stocke. Le plus difficile est ensuite de connecter l'idée 3894, 12055 et 779 pour s'apercevoir que ca donne un truc excellent!
3- Vous êtes l'auteur de jeux comme Cosmic Attack, Contrario, In Extremis qui sont plutôt des petits jeux apéritifs, et vous avez aussi toute une série de jeux éducatifs comme Kelbazar, Kimavu ou bien encore Pico Pico. Comment expliquez-vous une telle diversité ?
Roberto Fraga : Une grande diversité d'idées donne forçément une grande diversité de types de jeux. Je n'aime pas me dire que je vais créer un jeu de communication, d'ambiance ou un jeu pour enfants. Je crée, je teste et ensuite je vois dans quelle catégorie on peut le classer... mais je n'aime pas du tout fonctionner par cases dans lesquelles on met des croix, je préfère rester électron libre jusqu'à la fin des temps :o)... Vive la diversité! 4- De manière générale, comment se déroule la vie d'un jeu en termes de ventes ? Quels sont vos meilleurs succès ?
Roberto Fraga : Et bien c'est entre tout ou rien. Le record va a BARBIE, un petit jeu de cartes développé sur commande pour la société Polonaise TREFL qui n'est même pas resté une année en rayon avec moins de 1000 exemplaires vendus (Pourtant il y avait la licence Barbie).
En moyenne, un jeu reste commercialisé 3 à 4 ans avant de plonger aux oubliettes. Le meilleur exemple reste encore La Danse des Oeufs qui monte régulièrement avec maintenant plus de 200 000 exemplaires vendus (depuis fin 2004) et qui restera en rayon encore pas mal d'années... je pense.
Et puis il y a les succès "éclair" comme Squad 7 vendu à 220 000 exemplaires à travers le monde et stoppé depuis et aussi Wo War's (Ravensburger) qui commence fort avec 125 000 boîtes vendues depuis Octobre 2009, mais avec l'appui d'une pub TV, et ca aide beaucoup !
J'espère aussi beaucoup des petits nouveaux, Time No Time chez GOLIATH, Super Comics chez LE SCORPION MASQUE et Tip Tops chez BIOVIVA etc...
5- Que pensez-vous de l'univers actuel des jeux de société (en pleine mutation depuis 3 ans) par rapport au monde des jeux il y a 10 ans ? A quoi est dû le renouveau actuel du secteur des jeux de société ?
Roberto Fraga : Internet et le développement de sites web liés au jeu a beaucoup aidé à cela. Ce qui se passe en Espagne actuellement en est le reflet. Il y a 10 ans, il n'y avait pas grand monde qui pouvait soupçonner qu'il y avait une telle communauté de joueurs en Hispanie. Avec l'aide d'internet, des forums, sites web, etc... des groupes se sont formés qui ont ensuite donné naissance a des associations, qui ensuite on organisé des Festivals de jeux, des concours, des prix du jeu de l'année, qui ont ensuite attiré le monde de l'édition, des médias puis un public de plus en plus large. Le meilleur exemple reste l'association Andalouse Jugamos Todos qui organise maintenant le salon majeur du jeu en Espagne à Cordoue.
C'est un peu ce qui s'est passé en France et qui continue a évoluer. Le seul hic, c'est que beaucoup de nouveaux petits éditeurs voulant profiter de cette manne se sont lancés sur le marché, et que les rayons des boutiques n'étant pas extensibles, les nouveautés le restent de moins en moins longtemps et la durée de vie d'un jeu en est donc diminuée.
6- Travaillez-vous actuellement à des projets de jeux sur Ipad ou Iphone ? Pensez-vous que ce soit l'avenir du jeu de société ?
Roberto Fraga : J'aimerais le faire et j'ai quelques idées dans les tuyaux, mais je pense que je préférerais travailler sur l'utilité d'un ipad ou iphone et son insertion dans un jeu de société classique en tant qu'élément du jeu. Par contre je n'aime pas entendre dire que ca soit l'avenir, condamnant ainsi le jeu de société à une fin
tragique et inexorable (Le calendrier Maya l'avait-il aussi prédit ?).
Le jeu existera toujours sous sa forme actuelle et les applications sur ipad et iphone ne sont qu'une diversification... et vive la diversité!
Jeuxyannick remercie Roberto Fraga pour sa participation à ce blog. N'hésitez pas à retrouver toutes ses créations en allant découvrir son site : http://www.robertofraga.com/