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1- Bonjour David. Tu as de très nombreux fans dans l'univers des jeux de société. Quel fut le déclic initial ?
David Cochard : J'ai d'abord rencontré Bruno Bellamy par des amis communs, qui m'a présenté à l'équipe de Casus Belli, magazine de jeux de rôle, et j'ai commencé à dessiner pour eux en 92 je crois. J'ai réalisé trois couvertures, et quelques centaines de dessins. Serge Olivier faisait partie de l'équipe, et c'est lui, quand il a travaillé pour Tilsit, qui m'a appelé. Et voilà comment j'ai commencé à dessiner pour le monde du jeu.
2- Que penses tu de l'univers actuel des jeux de société, de ton point de vue d'illustrateur ? Décèles-tu des tendances particulières ?
David Cochard : Depuis quelques années, 3 ou 4 à vue de nez, l'offre explose littéralement, la qualité générale s'améliore. Ca ressemble à l'explosion qu'a eu la BD et je pense qu'elle aura les mêmes conséquences : les clients potentiels submergés par l'offre se sentiront un peu perdus, chacun des produits présentés, même si meilleurs que ceux des années précédentes, aura moins de temps et de place pour faire ses preuves, et cela fragilisera les éditions les plus petites, fera couler celles qui sont professionnelles, laissera deux sortes d'acteurs, les gros et les amateurs. On ne travaille pas dans le monde du jeu par hasard. Il faut être passionné, et aimer le poker, car les coûts de production sont élevés et les marges vraiment minces. Pour chaque éditeur, c'est un jeu ou deux dans l'année qui marchera et permettra à l'aventure de continuer. Mais dans ce contexte, la réussite d'un produit devient vraiment trop aléatoire, et l'édition de jeux ressemble maintenant plus à de la roulette qu'à du poker. A part évidemment pour les grosses structures dont le jeu n'est qu'une extension de l'offre relative à leur produit.
3- Quelles sont les réalisations dont tu es le plus fier ? Et de manière plus précise, sur quel projet t'es-tu le plus éclaté et pourquoi ?
David Cochard : J'ai bien aimé créer la couverture de Genoa, même si l'équipe de Filosofia a décidé de changer la couleur de la mer du plateau. J'avais beau leur expliquer que la mer en Italie lors d'un coucher de soleil n'était pas bleue, j'avais en face de moi un Québécois pour qui l'eau est tout le temps bleue. Du coup, le plateau a perdu sa belle ambiance de coucher de soleil. Et j'ai perdu la cohérence que je souhaitais amener dans tout le jeu. Et je ne retravaillerai sans doute jamais avec eux.
Aussi, quand Vlaada m'a contacté la première fois, avec un brief époustouflant de précision, et une lettre de 15 pages expliquant pourquoi il voulait travailler avec moi spécifiquement, j'ai su à ce moment là que ce projet, cette collaboration, allait tout changer. Et Dungeon Lords a été assez dur à se mettre en place. Alors que je vivais encore en Argentine, Filip était mon principal interlocuteur, car Vlaada, même s'il possède un très bon anglais, ne se sent pas à l'aise avec, surtout à l'oral. Et Filip et moi martyrisons l'anglais chacun à notre manière, ce qui a occasionné pas mal de temps perdu au départ. Sur ces entrefaits, je suis rentré en France et nous avons convenu que je passe une dizaine de jour à Prague au sein de l'équipe un mois avant le salon de Essen. Vlaada était désespéré, Filip et moi seulement très inquiets. Mais travailler ensemble dans le même lieu fut en fin de compte très efficace et nous a incité à renouveler l'expérience pour Dungeon Petz, mais cette fois, avec ma visite Praguoise en début de projet.
Je ne dissocie pas Dungeon Lords de Dungeon Petz, car si les mécanismes de jeux sont différents, le monde est le même, et dans les deux cas, chacun sortait des idées, que je crayonnais, qu'on peaufinait ensemble. Cerise sur le gâteau, quand me venait une idée débile, comme le bébé Golem, Vlaada me regardait ahuri et me disait... mais on ne fait pas de bébé Golem, on les fait déjà adulte... Je lui répondais pas grave, je vais créer autre chose et lui me répondait aussitôt, non, non, il est trop mignon, attends. Et en fait, il a attribué ma stupidité aux Imps qui sont idiots au point de vouloir faire grandir des Golems.
En tous cas, c'est un réel bonheur pour un dessinateur que de travailler avec l'équipe de CGE. Ils sont impatients de voir mes dessins, se mettent à rigoler en les regardant, sont comme des enfants, mais sont tout autant capables de venir me voir et me faire refaire la copie. Pour la licorne, par exemple, j'avais crayonné une licorne tout à fait classique, très belle, un peu pétasse à vrai dire, et Vlaada m'a dit que c'était très joli mais que ça n'avait rien à voir avec ce qu'il voulait.
4- Tu as récemment collaboré sur l'excellent "Dungeon Petz", comme cité précédemment. Peux-tu partager avec nous cette magnifique aventure ? Comment t'es-tu organisé concrètement pour ce projet ? Quelles furent les principales contraintes ?
David Cochard : J'ai répondu en partie à cette question dans la précédente. Les contraintes, je n'en vois pas vraiment, à part des contraintes de format.
J'ai une liberté quasi totale d'inventer des scènes, des interactions entre les personnages, et si j'avais eu plus de temps, on aurait eu plus de 100 imps sur le plateau, là, il en manque encore 4 ou 5 pour ça.
Le plus dur à mettre au point sont les icones, qui doivent être lisibles mais continuer de faire partie de l'univers, et sinon, la petitesse des cartes me gêne car elle m'empêche de fouiller les personnages. A part ça, je ne vois pas de réelles contraintes.
Un grand merci à toi, David, pour ces réponses ! Et plein de bonnes choses ludiques pour 2012 !