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Jeuxyannick accueille aujourd'hui Cyril Demaegd, fondateur de la maison d'édition Ystari.
1- Ystari fait partie des acteurs qui dynamisent l'univers des jeux de société modernes. Pourriez-vous nous expliquer comment la société a pris vie et qui en sont ses créateurs ?
Cyril Demaegd : En fait Ystari était une boîte d'informatique à la base et j'en ai eu marre de coder en C. J'ai donc décidé de vivre de l'une de mes passions qui était le jeu, et tenté d'éditer moi-même Ys. J'avais d'abord proposé le jeu à Tilsit, mais ils voulaient faire des changements pour le rendre plus accessible aux familles, et de mon côté je pensais qu'il y avait un créneau pour les joueurs en France. Au final, cela s'est bien passé et m'a encouragé à poursuivre l'aventure et à arrêter (définitivement j'espère) l'informatique !
2- Ystari est une maison d'édition au positionnement original, celui des gros jeux de style germanique. Pourriez-vous nous expliquer pourquoi ? Sortirez-vous un jour de plus "petits" jeux ?
Cyril Demaegd : Oui et non, dans le sens où Bombay, qui était une tentative de créer quelque chose de plus simple, a vraiment eu du mal à rencontrer son public. Les gens qui achètent du Ystari s'attendent à trouver un jeu complexe, et il nous est difficile de casser cette image. Peut être que nous réessayerons tout de même à l'avenir, car je ne veux pas franchement être cantonné à un style précis, mais éditer ce qui me fait envie. Sinon, je réfute légèrement l'étiquette germanique, car je crois qu'Ystari a un style légèrement en marge de cette école ;) En fait, beaucoup de nos jeux intègrent des mécanismes agressifs, qui ne sont justement pas très "germaniques". Par exemple, le prévôt de Caylus ou la caravane d'Amyitis ne sont pas des mécanismes très "allemands", dans le sens où ils sont généralement utilisés comme des vecteurs d'interaction forts, qui permettent aux joueurs de fortement influencer la partie de leurs adversaires. Je crois que cet élément va justement à l'encontre de la vision allemande des choses.
3- Les thèmes sont très présents dans les jeux Ystari. Ceci est même sa marque de fabrique. Remodelez-vous ces thèmes en fonction de la mécanique ou bien choisissez-vous d'abord un thème et vous construisez une mécanique par dessus ? Pourriez-vous nous donner des exemples de cette méthode de travail avec l'un de vos jeux ?
Cyril Demaegd : Merci de souligner que les thèmes ont de l'importance chez nous car justement, c'est un point sur lequel nous sommes parfois critiqués. Au contraire de ce que pensent les gens, le thème nous importe beaucoup et est souvent à l'origine de beaucoup de mécanismes présents dans nos jeux. Simplement, nous recherchons également une certaine épure, et cela a un prix. Ainsi, nous ne pouvons intégrer un thème aussi bien que ne le fait un jeu américain de 4h, mais nous recherchons tout de même à intégrer les éléments importants comme la famine à Assyria par exemple.Pour vous donner un exemple, Amyitis est un jeu qui a vraiment été bâti autour du thème. Initialement, j'avais pensé à faire un jeu sur la grande pyramide, mais avant de m'y mettre, il y a eu une vague de jeux "égyptiens" et j'ai donc changé mon plan. J'ai regardé la liste des 7 merveilles à la recherche d'un remplaçant, et mon choix s'est porté sur les jardins suspendus. J'ai alors commencé à me documenter historiquement sur la période et l'apparence supposée des jardins (à ce jour on est peu sûr qu'ils aient vraiment existé). J'ai même profité d'une visite à Berlin pour visiter leur musée antique et prendre des photos de la porte d'Ishtar et de l'art babylonien. Puis j'ai intégré ces idées au jeu. Par exemple, la forme des jardins dans le jeu (et donc le système d'irrigation) viennent directement de ces recherches historiques, tout comme la partie "Agriculture". Evidemment le but n'était pas de produire une "simulation", mais de coller à une certaine réalité et donc in fine, c'est bien l'histoire qui a influencé les mécanismes
4- Que pensez-vous du marché du jeux actuel ? Sera-t-il concurrencé à l'avenir par les tables tactiles ?
Cyril Demaegd : Le marché du jeu actuel est très dynamique, peut être trop ! De nos jours beaucoup de gens se lancent dans l'auto édition et chaque année, il y a un peu plus de jeux sur les étales. En fait, on se rapproche du modèle allemand, qui est en forte crise. Il faut donc être très prudent, car le public d'amateurs de notre type de jeu ne croît pas forcément à la même vitesse que l'offre ! Pour ce qui est des technologies tactiles, je pense qu'effectivement tôt ou tard cela remplacera le JDS tel qu'on le connait, mais pas tout de suite, car nous sommes un marché minuscule et donc assez peu porteur pour des développeurs. Mais dès que les tables tactiles seront aussi présentes dans les maisons que les téléviseurs, les jeux de société changeront probablement de forme, l'important étant d'offrir aux gens la possibilité de se réunir autour d'une table...
5- Pourquoi n'y a-t-il pas plus d'adaptations internet de jeux de société ? Que pensez-vous d'iniatives comme celles du site Jeux sur Plateau ?
Cyril Demaegd : Comme je viens de le dire, je pense que la composante "réunion" est importante dans le JDS. Internet est un outil formidable qui permet aux solitaires d'assouvir leur passion à n'importe quelle heure, mais cela ne remplace tout de même pas une bonne tablée ! En ce sens, les adaptations du net ne sont que des "pis aller", mais tout de même souhaitables et agréables. C'est pour cela que ceratins de nos jeux sont accessibles via le web (et sur le site de JSP, qui a fait un très bon boulot de conversion). Il y a fort a parier que ces portages soient de plus en plus fréquents dans le futur, mais en tout cas cela ne remplacera jamais une "vraie partie".
Merci beaucoup à Cyril Demaegd pour ses réponses !